malo
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chez Irisgraphic
25 novembre 2020
IrisGraphic, moyenne entreprise de production d’étiquettes pour produits en tous genre (surtout alimentaires).
17h. Je rencontre Renaud Pouget, le directeur. Il m’accueille avec le sourire. Il me fait asseoir d’un côté du bureau et lui de l’autre pour que l’on puisse enlever nos masques. Son bureau est rempli de peintures d’un chien rouge un peu bizarre, aux dents pointues, l’air ahuri et les bras toujours en l’air.
Moi, je viens de grimper la grande côte de Limoges à Couzeix, juste après avoir descendu celle de Limoges-centre à Limoges périphérie. Et entre les deux, un creux, un no-man’s land sans aucun lampadaire. Il faisait déjà nuit noire sur la route et j’ai été heureux de trouver la ville puis la zone industrielle, baignée dans la lumière jaunâtre. Je lui parle de ma pratique de la performance, de mon travail d’artiste confiturier. Il me demande comment on vit de la performance, en quoi pour moi la confection de confitures revêt un caractère artistique et pose des questions au sujet de l’ENSA et ses spécialités. Il paraît intéressé et pas si néophyte sur ces questions.
Il me présente l’entreprise dans les grandes lignes. Il aborde très vite le sujet de la provenance du papier. Peut-être parce qu’il pressent la question. Tous ses papiers sont FSC, c’est-à-dire qu’ils sont issus de forêts d’élevage, des arbres qui sont plantés dans le but d’être coupés. L’entreprise finlandaise avec qui IrisGraphic travaille propose tous types de produits à partir de ces arbres : les papiers glacés sur lesquels les étiquettes sont enroulées, les étiquettes transparentes issues d’une transformation d’une certaine molécule de l’arbre afin de ne pas utiliser de pétrole. Un système de recyclage des papiers jetés et des chutes fonctionne en partenariat avec cette entreprise qui récolte ces déchets chez les fabricants d’étiquettes comme chez les entreprises qui les utilisent pour les revaloriser à l’aide d’un processus de trempage qui sépare la colle du papier. Et heureusement qu’il existe, ce système ! Vu les rouleaux et les rouleaux qu’ils utilisent pour le calage de la machine : en effet, pour chaque étiquette, il faut calibrer la machine. La chose se présente sous la forme d’un long bloc, comme si l’on avait mis bout à bout 5 photocopieuses de bureau. Seulement, à la place d’un scanner s’enchaînent plusieurs rouleaux imbibés d’encre. Jaune, bleu, noir, magenta. Puis la dernière partie de la machine vernit l’étiquette et réalise la découpe qui permettra de les décoller une à une. Un technicien s’affaire à régler chaque rouleau de couleur. Il a enclenché la machine qui imprime des étiquettes. Celle-ci imprime des milliers de petites vignettes Marque Repère. Elles me paraissent réussies mais en fait pas du tout, m’apprend Renaud. Le rouleau entier partira à la poubelle car l’imprimante est seulement en train d’être préparée. Tout le long de la machine, le papier sur lesquelles sont imprimées les étiquettes réalise un parcours en montées et en descentes, en verticales et en horizontales. Enroulé d’un côté, il finit enroulé de l’autre.
Tout est enroulé ici. Tout est en rouleaux plutôt. Des rouleaux partout. Sur les étagères des rouleaux. Sur les palettes, des rouleaux. Des rouleaux vierges, énormes. Certainement assez lourds pour m’écraser. En papier velin, en kraft, plastifiés ou non... D’autres rouleaux sont entreposés sur les étagères du fond. Beaucoup plus petits. Ce sont les stocks d’urgence. Les étiquettes des entreprises qui en demandent souvent à la dernière minute. Alors ce stock est là pour ça. Renaud marche d’un bout à l’autre du hangar. Là, il prend un rouleau d’étiquettes et m’en découpe quelques-unes. Une vignette ronde avec une toute petite tête d’homme à l’air très stricte, surplombant le titre Léonce Blanc en lettres argentées brillantes et des grosses pommes sur les côtés. On peut lire « POMME VALLÉE DE LA LOIRE » et « Sans sucres ajoutés* ». Astérisque qui restera énigmatique. Il me montre aussi le rouleau d’étiquettes collé sur le dos des pots et sur lesquelles sont écrits les ingrédients. Ailleurs, il sort un rouleau vierge, de film transparent cette fois. Il me donne un bout mais se rend compte qu’il ne me sera pas très utile puisqu’il est plastifié. Puis il demande à un ouvrier où est-ce qu’il peut trouver des chutes. Il n’en trouve pas mais ressort avec un grand rouleau de papier kraft autocollant qu’il déroule sur plusieurs mètres avant de le couper et de finir par me le tendre.